Les étapes de l’apprentissage de la lecture au CP

Si lire consiste à déchiffrer un message codé pour lui donner sens, on peut partir du principe qu’un enfant sait lire s’il comprend ce qu’il est en train de lire.

Bien sûr, le niveau de difficulté engendré par le texte proposé à l’enfant influera sur son degré de compréhension.

Savoir-lire reste donc toujours relatif.

D’ailleurs, certains adultes, bons lecteurs par ailleurs, peuvent rencontrer des difficultés de compréhension quand ils lisent une posologie médicamenteuse ou bien un arrêté rendu par une administration publique.

Ainsi, apprendre à lire se fait par étapes.

Cette progression par paliers, en fonction des enfants, peut se faire de manière parallèle ou linéaire, de manière explicite ou implicite, mais elle est de toute façon incontournable dans le mécanisme d’apprentissage et de compréhension de la lecture pour le jeune apprenti-lecteur.

L’enfant exerce sa conscience des sonorités à l’oral

Par différents jeux, l’enfant repère tout d’abord le nombre de syllabes dans un mot à l’oral, il localise tel ou tel son dans les syllabes du mot, il joue avec les syllabes en restituant ce qu’il reste du mot lorsqu’on lui retire la première syllabe, ou la dernière, ou tel son…

Cette phase verbale, travaillée de manière systématique en moyenne et grande section de maternelle, est cruciale dans l’apprentissage de la lecture car elle aide l’enfant à isoler, à assembler ou à séparer les sons dans un mot : capacité essentielle dans le travail de décodage que l’on retrouvera ensuite au CP.

L’enfant prend conscience du lien entre l’oral et l’écrit

Au cours de sa progressive découverte du monde de l’écrit (liste des courses, emballages, télévision, histoires lues par les adultes, date écrite au tableau quotidiennement, dictée à l’adulte….), l’enfant comprend peu à peu que ce qui se dit à l’oral peut s’écrire et vice et versa. Il réussit également à établir un lien entre la quantité d’orale et la quantité d’écrits ; à savoir que plus il y a d’écrit, plus on oralise et inversement.

L’enfant comprend que la langue française s’écrit avec un alphabet composé de 26 lettres

En moyenne et grande section, l’enfant apprend à écrire par exemple son prénom, d’abord en capitale d’imprimerie puis en attaché (écriture cursive). Pour cela, il utilise les lettres de l’alphabet. Il apprend à reconnaître la plupart de ces lettres et un certain nombre de comptines  pour mémoriser l’ordre alphabétique des lettres. Ces pré-requis sont nécessaires pour faciliter l’entrée dans le décodage.

L’enfant comprend qu’à une lettre ou un groupe de lettres correspond un son et inversement

C’est la spécificité du CP en matière d’apprentissage de la lecture. En maternelle, l’enfant « baigne » dans le monde de l’écrit quotidiennement sans rentrer dans les aspects techniques du décodage comme il le fait en CP. En effet, lors de cette étape, l’élève va devoir appréhender le principe alphabétique : une lettre peut transcrire un son ou plusieurs sons (par exemple la lettre ‘l’ ne fait que le son [l], mais la lettre ‘s’ peut faire le son [s] comme dans serpent mais peut aussi faire le son [z] dans rose. En outre, l’enfant doit également comprendre que pour écrire un son, on peut utiliser différentes lettres ou groupe de lettres. Par exemple, pour écrire le son [f], parfois, on utilise la lettre ‘f’ mais parfois, on utilise le groupe de lettres ‘ph’.

L’enfant comprend que les sons et les lettres se combinent

Pour commencer à décoder de manière efficace, l’enfant doit pouvoir littéralement associer le son d’une lettre ou d’un groupe de lettres avec une autre lettre ou un autre groupe de lettres. La difficulté pour lui est que, dans les mots, les lettres sont accolées les unes aux autres et que, au début de l’apprentissage du décodage, il doit d’abord séparer mentalement le son de ces lettres pour ensuite les raccrocher. Par exemple, pour lire la syllabe « cha », l’enfant doit d’abord identifier et séparer les deux composants « ch » et « a ». Il doit ensuite sonoriser le son que fait « ch » puis sonoriser le son que fait « a » pour enfin fusionner le son [ch] et le son [a] pour obtenir la syllabe [cha].

L’enfant comprend la fusion syllabique

Une fois que l’enfant a compris la fusion, c’est-à-dire la combinatoire simple, il va devoir reproduire ce qu’il a fait pour lire une seule syllabe une deuxième fois, puis associer le son produit par chacune des syllabes afin d’obtenir la sonorité finale du mot.

Ecrit ainsi, cela semble facile à faire.

La difficulté pour lui réside dans le fait qu’il doit garder en mémoire la sonorité produite par la première syllabe alors qu’il doit encore décoder sur le même modèle la seconde syllabe. Par exemple, pour déchiffrer le mot chapeau, l’enfant doit garder en mémoire la sonorité [cha] et isoler dans le même temps la composante « p » et la composante « eau » ; sonoriser chacune de ces composantes puis les associer pour obtenir [po] puis se souvenir que la première syllabe fait [cha] et enfin associer les deux syllabes ensemble [cha] [po] pour lire chapeau.

Et pour autant, même à ce stade de réussite, rien ne nous garantit que le mot chapeau renvoie pour lui à une image claire et précise dans sa tête : l’illustration d’un chapeau.

Plus l’enfant mémorisera rapidement le son produit par une lettre ou un groupe de lettres, moins cette opération mentale sera couteuse en énergie cognitive pour l’enfant et plus il pourra décoder rapidement et garder en réserve une part de ses ressources intellectuelles pour le sens. En clair, tout ce qui peut être automatisable, doit être automatisé, afin que l’enfant puisse se concentrer sur d’autres tâches (lecture de mots inconnus, compréhension du sens…).

L’enfant reconnaît les mots

Lorsque l’enfant en est à ce stade de l’apprentissage de la lecture, on peut dire qu’il a déjà « automatisé » le principe du décodage et réussi à mémoriser le son des lettres qu’il a étudiées en classe.

L’enfant qui dépensait encore beaucoup d’énergie à décoder le mot « chapeau » au mois de décembre, le reconnaît à présent quasi instantanément.

Ce processus est normal. Comme l’on cherche à se souvenir du prénom d’une personne que l’on croise pour la première fois, celui-ci revient de plus en plus facilement en mémoire à chaque fois que l’on revoit son visage.En effet, à force de rencontrer le groupe de lettres « ch », l’enfant n’a plus besoin de réfléchir au son qu’il produit, à fortiori pour la lettre ‘a’. N’ayant donc plus besoin d’isoler les lettres pour les sonoriser, l’apprenti-lecteur est maintenant capable lorsqu’il voit écrit « cha » de sonoriser [cha], idem pour la syllabe « peau ». La liaison sonore entre ces deux syllabes est alors de plus en plus rapide.

A ce stade, l’enfant est un bon déchiffreur, même si le travail sur le sens reste toujours à approfondir.

L’enfant comprend les phrases qu’il lit

Pour devenir vraiment lecteur, l’enfant doit donc décoder sans erreur les mots qui sont écrits et doit également appréhender le sens contenu dans le message écrit. Il devra donc avoir une image mentale des mots qu’il décode ou qu’il reconnaît (l’image du chapeau par exemple, si le mot chapeau est écrit) et garder en mémoire ces images mentales pour reconstituer la globalité du message. Par exemple dans la phrase « Le chapeau du jardinier est posé sur la branche de l’arbre. », l’enfant doit pouvoir transformer les mots écrits en une scène possible à visualiser afin d’avoir une image mentale claire renvoyant à chaque mot de cette phrase (ce qui suppose qu’il connaisse le sens de chacun de ces mots).

Cela implique également que l’enfant soit capable de faire interagir ces images mentales dans le bon ordre car sinon, il n’interprétera pas le sens de cette phrase correctement et dira par exemple, si on lui demande ce qui se passe dans cette phrase, que l’arbre est posé sur le chapeau dans le jardin. C’est à cette étape que la syntaxe joue pleinement son rôle d’organisateur du sens. « Le chien mord Pierre » ne signifie pas la même chose que « Pierre mord le chien ».

L’enfant comprend les textes qu’il lit

On arrive là à l’une des dernières étapes du processus d’apprentissage de la lecture qui est extrêmement complexe puisqu’il fait l’objet du travail de lecture du CE1, du cycle 3 (CE2, CM1, CM2), voire du reste de notre vie d’adulte. En effet, l’enfant doit non seulement décoder correctement les phrases du texte pour en comprendre le sens mais il doit aussi les faire interagir pour reconstituer le sens global du texte. On passe alors de la grammaire de phrase à la grammaire de texte.

Ainsi, l’élève devra être capable de mémoriser les personnages, leurs caractéristiques, les liens entre eux, les lieux dans lesquels se déroulent les différentes actions et reconstituer chronologiquement les étapes du récit ou des informations données. La mémoire est alors mise à rude épreuve.

Des compétences d’interprétation des pronoms personnels entrent également en jeu. Par exemple pour savoir qui est « Il » dans la phrase « Il est posé sur la branche de l’arbre. », l’enfant devra comprendre qu’il doit associer ce pronom personnel à un personnage cité dans les phrases précédentes du texte en les relisant.

Il serait également intéressant qu’il soit capable de répondre à des questions faisant appel à « l’explicite » du texte c’est-à-dire à retrouver des informations écrites noir sur blanc à différents endroits du texte. Par exemple, si on demande à l’enfant « Où est le chapeau du jardinier ? », l’enfant devra comprendre qu’il doit sélectionner dans la question un ou deux mots clés de cette question comme « chapeau » ou « jardinier » et rechercher ces mots dans le texte en le lisant une première fois ; puis une fois qu’il les a trouvés, relire attentivement la phrase pour répondre « Le chapeau du jardinier est sur la branche de l’arbre. »

L’enseignement de la lecture au CP s’arrête donc à cette étape déjà de haut niveau. Les adultes lecteurs ont oublié le niveau de difficulté de l’acte de lire ; mais apprendre à lire, reste un acte difficile.

Cela n’est qu’à la toute fin du CP, voire au CE1 qu’un enfant commencera à s’exercer à développer sa compréhension implicite du texte, c’est-à-dire sa capacité à déduire, à partir de certains éléments du texte, une information qui n’y est pas écrite de manière explicite. Par exemple, dans le petit texte « Le garçon d’étage porta les valises des clients et les monta jusqu’à leur chambre. », l’enfant en articulant les différentes informations contenues dans les phrases (garçon d’étage, clients, valises) et en faisant appel à ses propres connaissances du monde, doit pouvoir être capable de dire que cette scène se passe certainement dans un hôtel.

Apprendre à lire, un apprentissage long…

Pour l’enfant, apprendre à lire est un processus parfois long et difficile.

Vous devez toujours encourager votre enfant.

On n’apprend pas à lire des textes tout de suite. Apprendre à lire se fait progressivement, cela met plusieurs mois, parfois même plusieurs années.

Dîtes-vous toujours, que tout ce qu’un enfant réussira avec vous (avec de l’aide), il réussira ensuite à le faire tout seul (sans aide).

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